VVL de Lamoura : la région se donne les moyens d’être exigeante

En votant l'autorisation d'acheter le VVL à l'amiable tout en acceptant la délégation du droit de préemption de la commune, le Conseil régional fait monter la pression sur le nouveau propriétaire qui a rendez-vous le 30 septembre avec les élus du haut Jura pour présenter un projet touristique. La gauche ne veut pas d'une opération de spéculation qui appauvrirait le territoire. La droite, qui craint une longue procédure, et le FN ont voté contre.

Marie-Guite Dufay : « l'acheteur n'a pas de projet, nous si ».

« Nous ne nous battons pas pour devenir propriétaires, mais pour que le village de vacances de Lamoura ne parte pas en appartements ». Marie-Guite Dufay n'a obtenu que les voix de la majorité PS-EELV pour les dispositions d'urgence qui permettent à la région de revenir dans le projet. Elle n'a pas convaincu la droite de la suivre, comme en juillet. Entre temps, le ticket d'entrée a augmenté d'un million d'euros et les incertitudes d'une procédure judiciaire ont de quoi faire hésiter. Sur le fond, personne ne conteste la volonté de l'exécutif régional de privilégier une solution compatible avec l'économie touristique du secteur. Les écologistes craignent une vente à la découpe, les socialistes la spéculation, ce qui revient au même. 

La première rencontre des élus, tant locaux que régionaux, avec l'acheteur du 24 juillet, la société immobilière Ereig, n'a pas convaincu : « la déception fut grande, ils sont arrivés avec un projet purement immobilier », résume Marie-Guite Dufay. « Poussés dans leurs retranchements, ils ont sorti des idées de leur chapeau, ce qui a mis en émoi les collectivités du haut Jura ». Le vice de procédure présumé lors de la vente, l'oubli par le notaire de demander la déclaration préalable d'intention d'aliéner, a fourni l'argument principal sur lequel repose la capacité d'action de la région. En gros, elle brandit la menace d'une annulation judiciaire de la vente, puis de faire jouer le droit de préemption que lui a délégué la commune de Lamoura. « Ça a fait bouger les choses, car l'acquéreur a demandé un nouveau rendez-vous aux acteurs locaux à qui il veut faire rencontrer un opérateur touristique ».

Pas le moment de lâcher la pression pour la gauche

La présidente s'en réjouit, mais ajoute : « on est échaudé et je ne voudrais pas que ça tourne en rond ». Autrement dit, ce n'est pas le moment de lâcher la pression, surtout si le nouveau propriétaire est prêt à rendre son projet compatible avec les règles d'urbanisme et les orientations économiques du territoire. L'enjeu est de taille. Un projet immobilier, avec vente d'appartements à des particuliers, générerait beaucoup moins de retombées que le maintien du plus gros hébergement touristique du massif, qui plus est doublé d'équipements sportifs, culturels et d'animation. « Que cet investisseur travaille le projet deux mois ou deux mois et demi, puis qu'il revienne devant les collectivités car il y aura quand même 20% d'investissements publics. S'il est au rendez-vous, nous aurons sauvé le VVL, sinon, je vous demande des outils, des armes pour le cas où la négociation n'aboutisse pas ».

Anna Zajac, élue PCF à Troyes : « il y a eu un refus têtu de travailler avec les collectivités jurassiennes »
« Je suis atterrée de voir toutes ces procédures », dit Anna Zajac, conseillère municipale d'opposition (PCF) à Troyes, ville adhérente du SIVVL. « les collectivités du SIVVL, et notamment Troyes, ne voient les choses qu'en termes comptables. Geco avait fait des ravages sur la ville qui ont coûté énormément. Je suis étonnée que les villes du syndicat, qui ont des services juridiques, se soient laissé avoir sur toutes ces choses. Je m'interroge aussi sur les collectivités comtoises qui ont traîné les pieds quand il y a eu des perspectives. On voit aussi les investissements qu'il y a eu dans les remontées mécaniques. Les exigences du SIVVL étaient énormes : ils pensaient le vendre 4 millions alors qu'il y a tant de travaux à faire... »
Pourquoi Troyes s'est-elle désengagée ?
« C'est leur conception du social, se débarrasser de tout, comme une petite colonie de vacances. Ils ne connaissent pas la solidarité, pas le quotient familial... Ils pensaient que le VVL n'attiraient plus assez de monde, j'en entends parler depuis quinze ans... »
Les collectivités comtoises, notamment Lamoura, paraissent avoir le couteau sous la gorge...
« Le département, les communautés de communes et Lamoura avaient un projet et demandaient un délai de trois ans, mais la question comptable a fait qu'elles n'ont pas été entendues. Il y avait moyen de discuter avec elles au fond, mais il n'y a pas eu de volonté. Il y a eu un refus têtu de travailler avec elles, de leur laisser le temps... »

A entendre cette « nouvelle information », la droite demande, et obtient, une courte suspension de séance pour ajuster sa position. Au retour, elle demande le report du vote au lendemain de la rencontre entre Ereig et les élus jurassiens, prévue le 30 septembre. Sylvie Vermeillet, qui siège désormais au Conseil départemental du Jura, est sensible à l'argumentation juridique de l'ancien propriétaire, le SIVVL et de son avocat : « il y a un risque de procédure très longue qui porterait préjudice au VVL. Ça pourrait aussi décourager tout investisseur ». Marie-Guite Dufay n'est pas d'accord : « l'acheteur n'a pas de projet, nous si ».

L'ambiance est plombée pour la droite

Sylvie Vermeillet n'est pas convaincue : « là haut, l'ambiance est plombée et votre délibération n'intègre pas d'engagements des partenaires [les autres collectivités]. Et comment imaginez-vous passer de 1,5 à 2,5 millions quand l'estimation des Domaines est de 5,08 millions ? » L'écologiste Brigitte Monnet émet des « doutes par rapport à la nouvelle proposition d'Ereig qui dépend d'une holding permettant de cacher les objectifs de l'opération. Sauf s'il y a une proposition acceptable, la région doit reprendre la main ».  Françoise Branget (LR) ne voit pas « l'intérêt de la région à agir juridiquement : ce n'est pas la volonté de sauver le VVL qui l'emportera devant un tribunal ».

« Vous êtes plus sur la forme que sur le fond », répond Marie-Guite Dufay, « je veux bien prendre des risques sur le fond, mais pas juridiquement. Je fais tout, avec cette délibération, pour éviter d'aller en justice et j'espère encore un compromis ». Denis Sommer vient en soutien : « Nous avons besoin d'un outil touristique familial sur ce territoire, on peut y ajouter du tourisme d'affaire ou des assemblées générales, comme par le passé : ça génère un flux d'affaires. On est tous conscients du danger qu'un tel outil peut être rénové et vendu à la découpe dans le cadre d'une opération avec défiscalisation. On pourrait alors avoir des taux d'occupation très faibles, quinze jours à un mois par an, et un site qui ne vit pas : ce serait une perte considérable pour le territoire... Quant aux partenaires, ils sont là, les délibérations existent, y compris de la part du Département du Jura qui est engagé par la continuité républicaine ».

Hélène Pélissard, par ailleurs première vice-présidente du Conseil départemental du Jura, est « en opposition » avec la majorité : « vous avez un rapport de confrontation avec Ereig que je ne défends pas, mais ils sont prêts à investir 9 millions, il ne faut pas cracher dessus ». Pierre Grosset s'étonne : « on nous a reproché d'aller trop vite, maintenant, il faudrait attendre. Ereig nous a dit ne pas avoir de projet touristique, on peut avoir des exigences ». Marc Borneck est quant à lui plus qu'échaudé : « le VVF a déjà été vendu une fois et rien n'avait été fait dans le but de faire baisser le prix. Là, on est face à des grands guignols. Ces gens-là veulent faire une opération à la découpe ! »

Le FN, qui n'a rien dit, vote contre, comme la droite.

 

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