« Au nom de la Terre », la détresse agricole

Guillaume Canet incarne un agriculteur endetté et dépressif dans le film d’Edouard Bergeon, « Au nom de la terre », l’histoire dramatique de la propre famille du réalisateur. L’acteur et le réalisateur, tous deux interviewés dans cet article, sont engagés dans l’association Solidarité Paysans, qui organise une projection de ce film le 26 septembre à Lons-le-Saunier.

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Crâne dégarni et petite moustache, conduisant tracteur et moissonneuse-batteuse, Guillaume Canet est presque méconnaissable dans le film d’Edouard Bergeon, « Au nom de la terre » (sortie le 25 septembre). En fait, l’acteur incarne le propre père du réalisateur, agriculteur surendetté, dépressif, épuisé par le labeur. Après « Petit paysan » d’Hubert Charuel, voici donc une autre fiction qui montre le monde agricole sans clichés ni angélisme, et en donne une vision réaliste.

 

Comme Hubert Charuel, Edouard Bergeon a grandi dans une ferme, dans le Poitou. Fils et petit-fils de paysan, il avait suivi les conseils de son père, travailler à l’école pour faire autre chose que paysan ; devenu journaliste, il a réalisé un documentaire, « Les fils de la terre », sur un agriculteur en détresse, remarqué par le producteur Christophe Rossignon (qui apparaît d’ailleurs en banquier dans le film), lui-même fils et frère d’agriculteur, qui a proposé à Edouard Bergeon de tourner une fiction.

« Il a été bouleversé par mon histoire », confie le réalisateur, « On a pris le temps de faire connaissance, je ne viens pas du sérail, pas d’école de ciné, je ne sais pas écrire un scénario ni diriger des comédiens ». « Au nom de la terre », c’est donc l’histoire de sa famille, son père Christian, sa mère, sa sœur, et la sienne, ce gamin qui se rêvait en coureur cycliste. Une famille unie et aimante, avant qu’elle ne soit frappée par le malheur. Veerle Baetens (bouleversante dans « Alabama Monroe ») joue ainsi une exemplaire femme d’agriculteur, qui fait tourner la baraque, travaille à l’extérieur pour avoir un salaire, et soutient malgré tout son « homme qui dévisse ».

Le récit commence en 1979, lorsque le jeune Pierre revient d’un stage aux États-Unis pour reprendre la ferme familiale, Les Grands Bois. Comme chez ces gens-là, on ne se fait pas de cadeau, le patriarche « sec et rugueux » (formidablement incarné par Rufus) ne fait pas de ristourne sur le prix de vente ni le fermage annuel cher payé : « L’important, c’est que ça reste dans la famille », dit-il. Deux décennies plus tard, Pierre a perdu ses cheveux et son enthousiasme ; déjà endetté, il se colle le trop lourd investissement d’un énorme poulailler, 20 000 poulets élevés aux granulés. Un incendie dans un hangar puis un redressement judiciaire ont raison de sa santé : « malade de travail », le corps meurtri par « l’écrasante besogne », il se bourre de médocs, sombre dans la dépression.

« Au nom de la terre » montre ainsi avec un terrible réalisme la grande détresse des agriculteurs ; à travers plusieurs scènes, il évoque aussi les scandales sanitaires : l’épandage de pesticides, les piqures d’antibiotiques aux moutons, les veaux aux hormones, le poulailler intensif… « On ne montre pas du doigt », dit Guillaume Canet, « Mais il fallait du rendement, les paysans ne pouvaient pas faire autrement. Maintenant on les traite d’empoisonneurs alors que ce sont les premiers empoisonnés, par les produits phytosanitaires si je puis dire, on voit bien avec le film où ça en a conduit ». À une fin déchirante.

Rencontre avec le réalisateur et son acteur à Strasbourg, lors de l’avant-première du film à l’UGC Ciné Cité.

 

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