Une matinée ordinaire au tribunal administratif de Besançon…

La moitié des affaires concernent le séjour des étrangers et l'on voit que la préfecture du Doubs prend parfois des décisions ubuesques, aux dires mêmes du rapporteur public, généralement suivi dans ses conclusions. Un exemple : un mineur non accompagné accueilli, formé et intégré par l'emploi auquel est refusée une prolongation de séjour alors que son CDD de boulanger est devenu CDI...

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Quarante trois dossiers étaient inscrits au rôlecomprendre : le programme de l'audience du tribunal administratif de Besançon ce mardi 4 septembre. Trente trois ont été examinés en une matinée dont vingt concernent le séjour des étrangers dont la plupart émanent de demandeurs d'asile attaquant un arrêté préfectoral refusant un titre de séjour et/ou prononçant une obligation de quitter le territoire, mais pas seulement.

Un jeune Pakistanais a ainsi saisi le TA pour contester l'interruption par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), pendant trois mois, de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), versée en compensation de l'interdiction de travailler pendant l'examen de la demande. Le rapporteur public, Isabelle Marion, détaille l'histoire en termes purement juridiques. Elle souligne que la décision n'a été ni écrite, ni motivée, ni prise à l'occasion d'un débat contradictoire, ce qui est la règle.

Quand le demandeur a réclamé 1455 euros d'arriérés de 2016 en en décembre 2017, l'OFII a invoqué des problèmes informatiques et fini par payer. Mme Marion évoque cependant les « carences » de l'office à informer le demandeur, finalement débouté de sa demande d'asile. Elle conclut en demandant aux juges de condamner l'OFII à payer l'avocat. Comme pour toutes les autres affaires, la décision est mise en délibéré au 25 septembre.

« L'OFII n'applique pas ses propres procédures »

C'est au tour d'un jeune Afghan, demandeur d'asile depuis mars 2016, de contester la suspension de l'ADA entre mars et mai 2017, époque où, débouté du droit d'asile, il était cependant réintégré dans la protection subsidiaire. Autrement dit inexpulsable pour cause de grave danger, il a « vocation » à se voir délivrer une carte de séjour d'un an renouvelable... L'OFII assure dans ses conclusions que le jeune homme n'a pas fourni les documents idoines, mais là aussi, Isabelle Marion reproche à l'office de ne pas avoir écrit d'avis motivé à l'intéressé, ni ne lui a demandé ses observations, comme la loi le lui impose... Me Brigitte Bertin, avocate du jeune Afghan, ajoute que plusieurs échanges téléphoniques ont eu lieu entre le foyer d'hébergement et l'OFII qui n'en a eu cure : « l'OFII n'applique pas ses propres procédures ».

L'affaire suivante est celle d'un Malien sur qui pèse une obligation de quitter le territoire. Il avait un titre de séjour comme étudiant depuis 2012, mais, dit Me Bertin, « tout s'est compliqué quand il est devenu étudiant-salarié... »

Voilà Anny, congolaise arrivée en 2011 comme demandeuse d'asile, régularisée fin 2012 comme malade avant de voir se demande de renouvellement au séjour refusée par la préfecture du Doubs, « sans motivation alors qu'elle est là depuis 5 ans, a un taux d'invalidité supérieur à 80%, ce qui la fait rentrer dans le cadre des exceptions », explique Me Bertin. D'autant qu'Anny a obtenu précédemment un accord de regroupement familial et que ses enfants ont tous des cartes de résidents... La préfecture a alors invoqué l'existence d'un traitement dans son pays d'origine en ne « se basant que sur des fiches pays », dit l'avocate...

« Une appréciation préventive de la part du préfet,
ne reposant sur aucune décision pénale ! C'est impensable »

Voici le tour d'Augustin à qui le préfet a refusé un titre de séjour tout en prenant une OQTFobligation de quitter le territoire français dans les trente jours. Son avocate, Me Frédérique Bocher-Allanet, explique à l'audience : « Il a été mis en cause pour harcèlement envers son ex petite amie, et je m'interroge sur l'accès du préfet aux procédures judiciaires, notamment celles concernant les mineurs sur lesquelles il doit y avoir le secret. Or, cette affaire a été classée sans suite. Il y aurait donc une appréciation préventive de la part du préfet, ne reposant sur aucune décision pénale ! C'est impensable ».

La situation d'Augustin ressemble, sur un autre aspect, à des témoignages que nous avons maintes fois entendus dans la bouche de militants associatifs accompagnant les étrangers. « Il est entré en France comme mineur non accompagné », plaide son avocate. « Il dit que ce n'est pas sa photo qui est sur le passeport que le passeur lui a fourni. En général, les passeurs vieillissent les mineurs pour qu'ils puissent prendre l'avion. C'est un problème du visabio qui n'est pas une preuve d'identité selon une décision du tribunal administratif de Poitiers : les juges ont fait la différence entre un mensonge pour arriver et une vérité quand il est là... Pour Augustin, la différence est de 9 ans ! »

Une OQTF malgré « une intégration parfaite »

La tribunal administratif puis la cour d'appel administrative avaient contraint la préfecture du Doubs à réexaminer la situation de Jean, un Congolais malade à qui elle avait refusé un titre de séjour et enjoint de quitter la France. « Mais le préfet a refusé ce réexamen alors qu'il a la charge de la preuve, or il n'y a pas de preuve d'effectivité du traitement au Congo ». En outre, ajoute Me Bertin, Jean est en France depuis 2012, vit en couple et a des enfants nés en France...

Fousseyni conteste pour sa part le refus du renouvellement de son titre de séjour par la préfecture du Doubs et l'OQTF qui va avec. Son avocate, Me Amandine Dravigny, estime que le préfet « méconnaît la loi » car Fousseyni a eu un titre de séjour basé sur un emploi en CDD, or, sa demande renouvellement s'appuie sur la transformation de ce CDD en CDI. « Le préfet explique que la Direccte n'a pas émis d'avis, or on ne peut pas opposer la situation d'emploi car cette situation n'a pas changé. C'est une erreur de droit ».

Elle invoque aussi l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme : « il est arrivé en France comme mineur non accompagné, a été orienté vers l'Aide sociale à l'enfance, a été scolarisé, a eu un contrat d'apprentissage en boulangerie, obtenu un CDD puis un CDI. C'est une intégration parfaite ! Il n'a plus de lien avec son pays d'origine, or le préfet dit qu'il ne le démontre pas alors que c'est une condition d'accueil des mineurs non accompagnés ! »

 

 

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