Courbet dessinateur, la face cachée d’un talent

La première exposition des nombreuses célébrations de l'année du bicentenaire de la naissance du peintre vaut par la présentation d'une vingtaine de dessins inédits. Les amoureux de Courbet vont adorer. Jusqu'au 29 avril à Ornans.

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Disons le tout net, l'exposition Courbet dessinateur qui lance vraiment les célébrations de l'année du bicentenaire du peintre est enthousiasmante. Pas bien grande, elle propose une quarantaine de dessins dont la moitié sont inédits, pour beaucoup issus de collections privées, notamment la Fondation Chambon de Genève. Des dessins de prime jeunesse aux études de portraits préparant des tableaux, des lithographies reproduisant ses toiles pour les journaux aux gravures illustrant des opuscules à tirage limité, on entrevoit des pans méconnus de l'oeuvre du peintre.

A tel point que l'exposition coïncide avec le lancement d'une étude de son oeuvre graphique destinée à « reconsidérer la pratique du dessin par Gustave Courbet ». Car, curieusement, il n'y en a pas eu jusque là, ne serait-ce parce que peu de dessins sont connus, voire décriés, l'artiste n'y ayant « pas toujours mis du coeur », souligne Séverine Petit, chargée de projets au musée Courbet. Parce qu'aussi l'authenticité de certains dessins fait l'objet de controverses. Ceux-ci ont été regroupés dans une section au milieu du parcours proposé. Quoi qu'il en soit, un ouvrage est annoncé sur le sujet.

Un cheminement chrono-thématique

L'exposition s'ouvre par la présentation de trois chefs d'oeuvre, placés en regard de versions plus connues. On a ainsi judicieusement placé côte à côte Les Amants dans la campagne en huile sur toile, fusain et craie, et encre sur papier destinée à la reproduction pour une revue : « Courbet a beaucoup reproduit ses oeuvres pour la presse », explique-t-on… Leur font face la petite huile sur papier mouflé sur toile Le Passage du gué et, protégé par vitrine, la mine de plomb sur bois qui a dû être une esquisse.

Après ces « oeuvres fortes », le musée a opté pour un cheminement chrono-thématique allant de la jeunesse à l'exil en passant par la bohème parisienne et la prison. Cependant, un dessin de jeunesse de sa soeur Juliette prêté par le musée d'Orsay voisine avec une toile inédite représentant la jeune femme, oeuvre lumineuse pour laquelle une souscription vient d'être ouverte en vue de l'acheter. Orsay a aussi prêté des croquis d'exil et des cellule...

Une lithographie de Proudhon sur son lit de mort d'après dessin fait forte impression. Elle devait accompagner un article dans la revue de Jules Valès La Rue, en 1868, trois ans après la disparition du penseur anarchiste, mais le numéro ne paraîtra pas, victime de la censure…

Facéties, truculence et spectacle

La section consacrée au Courbet illustrateur montre des réalisations effectuées à la demande de proches, notamment pour illustrer des livres, voire des pamphlets. Ainsi, il reproduit dans les Essais poétiques de Max Buchon une toile achetée et détruite par un curé. L'exemplaire de l'ouvrage est montré dans une vitrine, ouvert à la page incriminée. On est cependant bien loin de L'Origine du monde... 

Courbet sait aussi être facétieux, notamment avec Les Curés en goguette en six planches dont une seule figure dans l'exposition. Il s'agit de la première des six étapes d'une journée de religieux, celle où la messe est sonnée… Les suivantes valent d'être narrées car ces messieurs se rendent à une conférence très spéciale : on commence par déguster de bonnes bouteilles plus que de raison tant et si bien que tout dérape, que le retour agité se fait sous le regard goguenard des paysans, et que les bonnes doivent mettre au lit les ecclésiastiques incapables de tenir debout...

On savait Courbet républicain et égrillard, on a une preuve de plus de sa truculence… N'écrivit-il pas qu'il « faut encanailler l'art » ? On peut aussi considérer cela comme de la provocation autant destinée à rire et faire rire ses amis qu'à choquer bigots et bourgeois tout en se faisant de la pub : « j'ai toujours vécu grâce au bruit que je faisais… » Un adage qui semble encore avoir cour, et pas seulement dans le monde de l'art… Un avant goût de la société du spectacle, sinon de sa critique ?


Le musée de Besançon a prêté une la reproduction d'une esquisse d'Un Enterrement à Ornans. Le musée des beaux arts de Budapest a prêté une très belle Source de la Loue au crayon noir, sanguine, aquarelle et craie blanche… Nombre de dessins sont issus de la collection Emile Chambon de la fondation Chambon de Genève. 

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