L’Arroseur : de Christophe aux frères Lumière

Bien connu en Franche-Comté depuis la naissance de Télé Saugeais, une des toutes premières télévisions locales, Dominique Garing continue d’arpenter le territoire franc-comtois à la recherche de l’insolite et de curiosités visuelles. Rien ne lui échappe. Il vient de co-réaliser un film sur le plus ancien gag de l’histoire du cinéma.

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Le film est produit par Vie des Hauts Productions. Ce nom évocateur affiche la signature de son travail enraciné dans la région depuis presque quarante ans. L’Arroseur, son dernier opus se situe sur un fil qui relie le dessin et les débuts du cinématographe.

Au départ, Dominique Garing et Jean-Baptiste Benoit réalisent un film intitulé Christophe et Monsieur Colomb, en hommage au célèbre précurseur de la bande dessinée, natif de Lure, à qui l’on doit entre autres La Famille Fenouillard, des Facéties du Sapeur Camembert. Les deux réalisateurs repèrent une planche de L’Arroseur arrosé qui a ensuite inspiré les frères Lumière : un jardinier arrose ses plantes lorsqu’un garnement pose le pied sur le tuyau d’arrosage bloquant ainsi l’arrivée d’eau. Intrigué l’homme inspecte l’embouchure du tuyau. L’espiègle retire son pied et évidemment…

« Au début, explique Dominique Garing, nous avions le projet de faire un film sur le comique, le burlesque. Ce qui nous a incité à resserrer le projet autour du film, ce sont les différentes visions de l’arroseur arrosé dans l’histoire du dessin et plus particulièrement le dessin de Mc Kay, où à la fin le tuyau explose ; c’était juste avant la guerre et l’image était forte ».

La grande époque des bonimenteurs

Pourquoi revenir sur ce gag qui en lui-même réussit à faire rire des salles entières ?  « Ça nous plaisait de faire quelque chose sur la première fiction de l’histoire du cinéma qui est franc-comtoise à deux titres ; elle naît de l’imagination de Christophe précurseur de la bande dessinée en France et est reprise par les frères Lumières inventeurs du cinéma ».

« Pendant deux à trois ans, nous avons recueilli des archives et des témoignages ; à un moment donné on a même voulu raconter l’histoire du tuyau d’arrosage, faire un documentaire dans le documentaire, quelque chose d’évolutif mais ça ne fonctionnait pas », explique en riant Dominique Garing.

A l’époque du cinéma muet, un personnage était chargé de commenter les films. Véritable conteur, il faisait avancer la narration à l’instar du bonimenteur du monde forain et du théâtre. C’est donc tout naturellement qu’un bonimenteur apparaît à plusieurs reprises dans le film : « En faisant le premier entretien avec Martin Barnier à Lyon, nous avons évoqué la place du bonimenteur dans les débuts du cinéma ; c’est là que nous avons décidé d’en faire intervenir un dans le film ; on le voit dans un cinéma qui n’est autre que le beau Théâtre de Gray ».

Avancer avec des contraintes

Dans L'Arroseur arrosé on voit un extrait d’un film réalisé par Rohmer ; il s’agit d’une série d’entretiens avec Jean Renoir qui parle du cinéma comique. A un moment donné Renoir dit : « en art la liberté est dangereuse, il faut de la contrainte ». Quelles étaient les vôtres lors de la réalisation de votre film ?

« Les contraintes étaient nombreuses. Quand on fait un film d’archives, le budget est élevé : nous aurions aimé utiliser, la couverture de la revue Tintin avec un arroseur arrosé, une séquence très drôle de La Grande vadrouille ou un pompier se prend de l’eau en plein visage, une autre citation du gag dans un film de Lynch et surtout une superbe séquence de bonimenteur dans Le Silence est d’or  de René Clair, mais nous n’avions pas le budget pour acheter les droits. D’autres recherches auraient pu être effectuées dans des cinémathèques italiennes, allemandes ou espagnoles. Nous avons obtenu des aides de France 3, du CNC et de la Procirep, ce qui était insuffisant par exemple pour faire un parallèle avec l’utilisation des gags chez Jacques Tati ».

« En revanche, c’était difficile, mais nous avons réussi à interviewer Jean-Claude Carrière et Pierre Etaix dans un entretien commun ; on les voit discuter ensemble sur la construction des gags ; nous avons fait une seule interview d’une heure alors que nous étions en présence d’un des derniers cinéastes français du gag. Il aurait fallu filmer avec deux caméras cet entretien croisé entre un scénariste et un cinéaste, mais nous n’avons pas pu le faire. En revanche, les entretiens étaient plus difficiles avec les historiens de cinéma, souvent sur la défensive par peur de faire des erreurs ».

Dominique Garing conclut : « Il y a bien sûr les contraintes de temps ; de toute façon, un film c’est une aventure. Ce sont les contraintes qui le font avancer ».

Au résultat, un film mosaïque, très documenté, un brin facétieux. Un bel hommage à la naissance du gag au cinéma et aux frères Lumière.

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